État des lieux de la robotique dans la construction

Contexte

Les robots ne sont plus uniquement présents dans l’industrie: ils sont également partis à la conquête de nos salons, en interaction directe avec l’homme. Les champs d’application et les formes de cette interaction sont très variés. Du fait du développement constant des technologies et matériaux les plus modernes et de la mise en réseau mondiale des objets physiques avec Internet (Internet des objets), il est tout à fait possible de supposer que les robots pourront très bientôt faire tout ce qu’un homme peut déjà faire, et ce à bien moindre coût, avec beaucoup plus de précision, de force et de rapidité qu’un être humain.

La robotique et plus particulièrement les robots recèlent donc un potentiel réel, susceptible de déclencher une mutation profonde du secteur de la construction. Aujourd’hui, les praticiens du bâtiment estiment que l’utilisation de robots sur les chantiers est encore un rêve (voire un cauchemar) tant illusoire que visionnaire. Alors que les plus pessimistes redoutent des suppressions d’emplois à cause de ces auxiliaires mécaniques, les optimistes espèrent que le recours à ces outils débouchera sur une collaboration fructueuse entre l’homme et les robots sur les chantiers. Le présent état des lieux de la robotique dans la construction a vocation à démontrer que les robots font déjà partie depuis longtemps du quotidien des chantiers. Mais ce n’est pas demain la veille que les robots de construction humanoïdes remplaceront les ouvriers sur les chantiers! Il faut y voir deux causes à cela: la maturité technologique très perfectible de ces robots et la complexité de l’environnement d’un chantier. En règle générale, les travaux de construction se déroulent dans des conditions très difficiles: changements fréquents de sites, variations météorologiques, utilisation des matériaux de construction les plus divers ou encore déplacements sur des terrains instables.

Explication de termes

Le terme robot vient du tchèque robota, qui signifie travail, besogne ou corvée. Le terme robot a été initialement utilisé dans les récits de science-fiction. Il est apparu pour la première fois en 1921, dans la pièce de théâtre de Karel Capek «Rossumovi univerzální robot (Rossum’s Universal Robots)». Cette œuvre met en scène un scientifique, Rossum, et son fils, qui mettent au point une substance chimique permettant de fabriquer des robots. Leur projet? Faire en sorte que les robots servent l’homme avec obéissance et accomplissent à sa place les travaux pénibles. Et sans vouloir en dévoiler plus, cette histoire finit mal.

Les ouvrages spécialisés proposent de nombreuses définitions du terme robot. La définition généralement acceptée a été proposée par le Robot Institute of America (RIA): «Un robot est un manipulateur reprogrammable à fonctions multiples. Il est conçu pour déplacer des matériaux, des pièces, des outils ou des instruments spécialisés suivant des trajectoires variables programmées, en vue d’accomplir des tâches très diverses.» On trouve une définition analogue dans la norme DIN ISO EN 8373/2012. Un robot est ainsi «un manipulateur multi-application reprogrammable commandé automatiquement, programmable sur trois axes ou plus, qui peut être fixé sur place ou mobile, destiné à être utilisé dans des applications d’automatisation industrielle.»

Dans la plupart des définitions, les robots présentent au minimum les caractéristiques suivantes:

  • Les robots sont des machines mécaniques.
  • Les robots opèrent au minimum sur un axe.
  • Les robots peuvent être commandés, programmés et utilisés pour des tâches diverses.
  • Les robots peuvent être équipés de pinces, d’outils ou d’autres instruments.

La science interdisciplinaire portant sur les robots se nomme la robotique. Elle s’appuie elle-même sur diverses disciplines scientifiques: mathématiques, informatique, biologie et naturellement génie mécanique p. ex. Un robot est donc le fruit de l’association de nombreuses disciplines.

Figure: disciplines scientifiques de la robotique.

Fondements de la robotique

Modèle de classification des robots

Les ouvrages spécialisés proposent les approches les plus variées pour décrire et classifier les robots. Les travaux d’Onnasch, Maier et Jürgensohn (2016) présentent une approche globale de description, de classification et de comparaison des robots. Selon cette approche, il est possible de décrire les types de robots à l’aide de quatre caractéristiques spécifiques (tâche, domaine d’application, morphologie et autonomie) ayant différentes implications. Afin de proposer un état des lieux exhaustif de la robotique appliquée à la construction, il convient de nous attarder sur la caractéristique de la mobilité pour décrire les robots de construction.

Figure: modèle de classification des robots. Propre représentation inspirée d’Onnasch et. al (2016).

Tâches

La caractéristique que constitue les tâches se différencie au niveau du type des travaux accomplis par les robots en vue d’atteindre un objectif précis. Eu égard aux domaines d’application des robots, on trouve généralement trois tâches concrètes. Vous en trouverez quelques exemples ci-après.

Domaine d’application

Généralement, on différencie les robots en fonction du domaine d’application et de leur mobilité. Le domaine d’application est une autre caractéristique de différenciation. Il est en principe illimité, tant dans la médecine, la vie marine, l’éducation, l’agriculture, la foresterie, l’automobile, l’espace ou encore les chantiers de construction. Concernant les domaines d’application, la norme ISO 8373:2012 distingue les robots de service et les robots industriels.

 

Comme leur nom l’indique, les robots industriels sont en premier lieu utilisés dans l’industrie. Ils se caractérisent par le fait qu’ils fabriquent des biens de consommation. Les robots industriels utilisés dans l’automobile en sont un exemple classique. Les robots de service exécutent des prestations pour l’homme ou une chose. Ils se distinguent par leur plus grande flexibilité et une autonomie supérieure par rapport aux robots industriels. Un robot intelligent tondant la pelouse serait ici un exemple.

Morphologie

La morphologie d’un robot est une autre caractéristique essentielle de différenciation. La morphologie touche à l’enseignement de la structure et des formes des organismes. Dans le domaine de la robotique, on distingue ainsi trois types morphologiques de robots: les robots humanoïdes, zoomorphes et fonctionnels. Les robots humanoïdes se reconnaissent souvent à leur forme qui rappelle le corps humain. La morphologie des robots zoomorphes s’inspire du monde animal. Les robots fonctionnels, quant à eux, n’ont qu’une apparence purement fonctionnelle. La morphologie des robots permet en premier lieu d’établir certaines associations ou à apaiser les craintes pendant les interactions avec l’homme.

Mobilité

La mobilité des robots est une autre caractéristique essentielle de différenciation.

Les robots stationnaires opèrent à un emplacement fixe et se distinguent par une trajectoire prédéfinie. Les robots mobiles peuvent se mouvoir et donc évoluer hors de leur emplacement.

Autonomie

La dernière caractéristique de différenciation d’un robot est son autonomie. Le degré d‘autonomie décrit le degré d’intervention de l’homme. Plus un robot travaille de manière autonome, moins l’homme a besoin d’intervenir. Le degré d’autonomie peut se manifester de quatre manières: autonomie dans la réception de l’information, le traitement de l’information, la prise de décision et la réalisation de l’action.

Figure: autonomie des robots. Propre représentation inspirée d’Onnasch et al (2016).

Robotique appliquée à la construction

Domaines d’application dans le secteur principal de la construction

Dans le secteur principal de la construction, le domaine d’application des robots est indépendant du modèle d’affaires spécifique de la construction, du segment, de l’activité et des activités profes-sionnels proprement dites.

Catégories des robots de construction

Sur la base des caractéristiques de différenciation décrites au chapitre 3, il est possible de décrire les types de robots les plus variés. Dans le secteur de la construction, Alan M. Lytle, Jonathan B. O’Brien et Kamel S. Saidi (2008) distinguent les trois catégories suivantes de robots de construction.

Figure: catégories de robots de construction selon Alan M. Lytle, Jonathan B. O’Brien et Kamel S. Saidi (2008).

La première catégorie regroupe les robots de construction téléopérés. Ces robots ne travaillent pas de manière autonome ou doivent être commandés par l’homme, qui doit de son côté pouvoir exercer sur eux un contrôle total à tout moment. La deuxième catégorie comprend les robots programmables et commandés par ordinateur, qui sont par exemple équipés de capteurs. La troisième catégorie regroupe les robots de construction intelligents pouvant travailler en autonome partielle ou totale. Passons désormais en revue ces trois catégories en prenant l’exemple d’une machine de construction spécifique, qui remplit aussi les critères de définition des robots (chapitre 2): la pelleteuse.

  • La pelleteuse classique, commandée par l’homme et sans assistance intelligente, est un exemple de robot téléopéré. La pelleteuse est pour ainsi dire uniquement aussi intelligente que l’homme qui l’utilise.
  • Une commande de pelleteuse en 3D est un bon exemple d’un robot de construction ou de pelleteuse programmable. Ainsi, une station de base GNSS peut fournir des données de positionnement et de correction à toutes les machines du chantier équipées du système GNSS. Le système de commande 3D de la pelleteuse calcule ensuite les informations nécessaires pour l’excavation.
  • Et qu’est-ce qui caractérise une pelleteuse intelligente? Nous en avons un exemple avec la société américaine Build Robotics et ses pelleteuses hautement intelligentes, qui effectuent des travaux à l’aide d’ordinateurs, de capteurs et de l’intelligence artificielle, sans interven-tion de l’homme. Le conducteur de l’engin joue le rôle de surveillant.

Exemples de robots de construction

Robot de construction

Le montage traditionnel d’un mur requiert au minimum un maçon, du mortier et des briques. Les robots maçons constituent ici une alternative car ils permettent déjà de réaliser des travaux de maçonnerie classiques pour les projets de construction. En Suisse, nous en trouvons un exemple à Reichenburg, à l’usine de la société TRIPEMA, où les robots assemblent les briques les unes après les autres, les fixent et donc fabriquent de manière totalement automatisée des murs de briques sur mesure.

Rovers et petits robots mobiles

La collaboration entre l’homme et la machine est synonyme de nombreux avantages. En effet, les machines sont pourvues d’aptitudes particulières que l’homme ne possède pas. L’inverse est également vrai: l’homme possède des talents que les machines ne maîtrisent pas encore. Certains secteurs d’activité (l’automobile p. ex.) ont recours aux robots collaboratifs depuis déjà longtemps. Ces outils sont eux aussi de plus en plus utilisés dans le secteur de la construction. Citons en guise d’exemple le rover intelligent de la société DOXEL, équipé d’un scanner, qui se déplace de manière autonome sur les chantiers et compare l’avancée des travaux avec le modèle BIM. Des essais sont déjà menés en Europe et en Suisse. Dès à présent, deux robots «Spot» de la société Boston Dynamics assistent les collaborateurs de Rhomberg Sersa Rail sur leurs chantiers. L’entreprise de cons-truction Losinger Marazzi a déjà réalisé des essais avec son robot «ANYmal», dont l’activité se con-centre la sécurité des constructions.

Robot de construction humanoïde

Les éléments exposés ci-avant le montrent clairement: le progrès technologique et numérique impacte également le secteur de la construction. Peut-on néanmoins concevoir qu’il sera possible de voir, dans un avenir proche, des robots de construction humanoïdes aux performances équivalentes à celles d’ouvriers en chair et en os? Spécialisée dans la robotique, l’entreprise Boston Dynamics montre déjà aujourd’hui tout ce que les robots humanoïdes peuvent accomplir.

Le National Institute of Advanced Industrial Science and Technology (AIST), un institut de recherche de l’État japonais, a montré que le robot de construction humanoïde HRP-5P peut réaliser des travaux de construction humanoïde de manière autonome.

Aujourd’hui, les robots de construction téléopérés et programmables sont omniprésents dans le secteur principal de la construction et font l’objet d’optimisations constantes. Les robots de construction humanoïdes pourront-ils s’imposer sur les chantiers? Seul l’avenir nous le dira. Le futur s’annonce donc passionnant.

 

 

Depuis des années, Zafer Bakir étudie la numérisation de manière intersectorielle et s’attarde également sur les processus de modification en découlant. L’élaboration et la mise en œuvre de stratégies et modèles d’affaires numériques font partie de ses compétences clés. Depuis janvier 2018, Zafer Bakir est responsable, en qualité de chef numérisation, du thème «Digital Construction» au sein de la Société Suisse des Entrepreneurs. Sa mission consiste à faire progresser la transformation numérique dans le secteur principal de la construction.

 

 

Bibliographie

Kamel S. Saidi, Jonathan B. O’Brien, Alan M. Lytle. (2008). Handbook of Robotics. Robotics in Construction. Springer Verlag. Berlin.

Dr. Mohamed Oubbati. (2007). Robotik. Skript zur Vorlesung. Université d’Ulm

McKinsey & Company. Industrial Robotics. Insights into the Sector’s future growth dynamics. https://www.mckinsey.com/industries/advanced-electronics/our-insights/growth-dynamics-in-industrial-robotics

Edmundas Kazimieras Zavadskas. (2010). Automation and robotics in construction: Interna-tional research and achievements in Automation in Construction.

Bock Thomas, Lauer Willi Viktor, Linner Thomas, Eibisch Nora. (2010). Automatisierung und Robotik im Bauen. Berlin: Arch-Plus.

Linda Onnasch, Xenia Maier, Thomas Jürgensohn.(2016). Mensch-Roboter-Interaktion - Eine Taxonomie für alle Anwendungsfälle.

Robot Institute of America. 1982. Robot Institute of America Worldwide Robotics Survey and Directory. Dearborn, MI: Society of Manufacturing Engineers.

ISO 8373:2012. (pas d’année). Robots et composants robotiques – Vocabulaire.

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Zafer Bakir

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